5 décembre 2018 3 05 /12 /décembre /2018 09:44

J’ai entendu hier soir un concert de l’Orchestre national d’Ile-de-France, intitulé “Miroirs”, dans

la salle de concerts de la Cité de la Musique de la Philharmonie de Paris. C’est un concert

qui tourne dans les salles de la région, hier soir c'était sa 4è présentation au public.

Il sera le 7 décembre à Saint-Michel-sur-Orge, le 8 décembre à Saint-Cloud,

le 9 décembre à Vitry-sur-Seine, 7 concerts au total en Ile-de-France.

 

 

L’orchestre était dirigé par Michael Hofstetter, et proposait trois oeuvres, dont la première était

une création du pianiste, Baptiste Trotignon. Les deux autres pièces du programme étaient

de Wolfgang Amadeus Mozart et de Joseph Haydn. J’avais réservé une place en galerie.

 

 

C’est dans cette très belle salle de la Philharmonie, de dimensions plus conviviales que la grande

salle, moins impressionnante, que j’avais entendu pour la première fois les ensembles baroques

de Jordi Savall et les Arts florissants de William Christie, d’excellents souvenirs. La galerie

surplombe la salle et offre une vue plongeante sur la scène, au prix d’une position… plongeante

elle aussi. Des tablettes en verre transparent sont heureusement là pour que l’auditeur, tout à

son addiction musicale, ne plonge tout à fait vers la corbeille située en dessous.

 

 

Je ne me souviens pas avoir déjà entendu auparavant Baptiste Trotignon. C’est un pianiste de

culture classique qui aime le jazz au point d’inclure des cadences de piano jazzy dans des oeuvres

classiques. Il scrute le clavier de son instrument de très près, comme si une fourmi s’était égarée sur les touches,

et qu’il fallait lui faire exécuter une danse endiablée. Il joue aussi en chaussettes (la perception des pédales du

piano est plus fine sans l’intermédiaire des semelles et la rigidité des souliers), et se produit accompagné d’une

serviette éponge (qui reste le meilleur absorbeur de la sudation). La première oeuvre présentée, nommée

“L’air de rien”, était un concertino pour piano de Baptiste Trotignon, par lui-même et l’orchestre,

qui l’avait commandée. L’oeuvre était sympathique et éclatante, plus facile d’accès que

d’autres créations contemporaines du fait de sa parenté mixte avec la musique classique

et le jazz, bien adaptée à un concert qui proposait aussi Mozart et Haydn. Elle fut très applaudie,

et le pianiste nous joua un bis… cela commença par une sonate très connue de Bach,

en arpèges, puis évolua insensiblement vers autre chose de plus rythmé.

Baptiste Trotignon fut rappelé et reçut des fleurs.

 

 

Suivit le concerto pour piano n°1 de Mozart, écrit à l’âge de 11 ans. Il y eut dans cette oeuvre

l’incorporation de cadences par le pianiste, c’est-à-dire d’improvisations musicales à partir de la

musique écrite par Mozart, un peu comme un lecteur pourrait ajouter des propositions subordonnées

à l’intérieur d’une phrase, pourvu qu’à la fin il retombe sur le fil de la lecture. Le pianiste était soutenu

par des feuilles que je n’ai vues que de loin, qui je pense servent à guider l’improvisation pour lui éviter

de déraper. J’aurais volontiers vu de près à quoi ces feuilles ressemblaient… Quand je dis qu’il était

soutenu, c’est un peu exagéré, car il était globalement détaché de ses partitions, beaucoup plus

concentré sur le clavier. Il expliquait dans le livret du concert que les improvisations n’ont

d’improvisé que le nom, et demandent une technique et un travail redoutables. Ce fut donc une

version Trotignon du concerto de Mozart, que, je pense, le compositeur viennois aurait appréciée,

avec son sens du jeu, de l’humour, et de la réplique. Le public aima beaucoup.

 

 

Après un entracte, l’orchestre seul attaqua la symphonie n°100 en sol majeur de Haydn, dite

“Militaire”. Quelque soit la symphonie, on retrouve chez Haydn ce mélange de grâce et de

courtoisie, d’optimisme et de brillance, qui rendent sa musique si facile à aimer. La symphonie

n°100 (!) fait partie des symphonies londoniennes, et date du second voyage à Londres de Haydn.

Lors de son premier voyage, il avait 59 ans, et Mozart l’avait pressé de le faire pendant qu’il le

pouvait encore. Hélas, Mozart mourut en 1791, et c’est Haydn qui retourna à Londres à sa place.

Cette deuxième partie du concert fut très applaudie, comme l’avait été la précédente, et le chef

reçut aussi un bouquet, dont il fit présent à la supersoliste violoniste Ann-Estelle Médouze.

 

 

Michael Hofstetter nous fit signe qu’il souhaitait parler, et s’exprima sans micro, en français, disant

qu’il avait été heureux d’être avec nous, et que cette symphonie militaire comportait un espoir de paix.

Et, pour illustrer son propos, l’orchestre nous joua en bis la fin (m’a-t’il semblé) du premier mouvement,

effectivement joyeuse et optimiste. Ce n’est qu’en lisant le livret que j’appris qu’il était allemand,

et déduisis que ses voeux de paix visaient probablement le centenaire de l’armistice de

la Der des ders (et non le saccage récent de l’Arc de triomphe, qui n’en abrite que le symbole).

 

In fine, je me suis interrogée sur le titre du concert, “Miroirs”: la première oeuvre mettait Baptiste

Trotignon face à lui-même, la deuxième Mozart l’enfant prodige face aux adultes, dont il chipait

les mélodies des sonatines pour les orchestrer et en faire des concertos, la troisième Haydn,

père en musique de Mozart adulte, survivant à sa progéniture musicale. J’ajouterais que l’aisance

de Baptiste Trotignon et sa manière de s’affranchir du carcan était de nature à casser l’image

lisse du musicien classique, à fissurer un 4è miroir. Une très jolie soirée, merci à tous.

 

Le concert s’est terminé vers 22h20, je suis rentrée chez moi vers 23h.

 

Sylvie, blogmestre

 

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