Il y eut, pendant la semaine passée, quatre concerts au Théâtre des Champs Elysées, au cours
desquels l'Orchestre des Champs Elysées, sous la direction de Philippe Herreweghe interpréta les
9 symphonies de Ludwig van Beethoven. Voici les propos préliminaires du chef d'orchestre,
dans lesquels il explique la création de l'Orchestre des Champs Elysées et sa vocation:
J'avais décidé d'aller écouter deux de ces concerts, mais me suis trompée en réservant un premier concert
où je n'ai pu aller (le même soir que le concert Tchaïkovski, le 17 mars). Il ne me restait plus que
la dernière soirée, celle des symphonies 8 et 9, le samedi 18 mars.
J'avais la place R10 du premier balcon côté cour, la dernière de la rangée, d'où l'on ne voit
pas tout l'orchestre, mais d'où l'on voit de près. La salle du Théâtre était pleine.
Le programme avait été édité pour l'ensemble des représentations, ce qui en fait un document
à garder. Jusqu'ici, j'ai gardé tous les livrets de tous les concerts auxquels je suis allée.
L'Orchestre des Champs Elysées joue sur instruments baroques, dont la sonorité est moins puissante
voire plus étouffée que celle des instruments modernes, et qui sont accordés plus bas.
Le concert commença par la 8è symphonie, une "petite symphonie" d'une trentaine de minutes,
selon son compositeur. Créée en 1814 à Vienne, elle n'a pas les flamboyances romantiques des
symphonies qui l'ont précédée dans la créativité de son compositeur, mais elle est vive et nerveuse,
comportant même une unique transgression parmi ses soeurs: elle n'a pas de mouvement lent. En effet,
le deuxième mouvement est un allegretto scherzando, qui reprend un canon composé par Beethoven
pour son ami Maetzel, l'inventeur du métronome. Le mouvement est rythmé par les sons métronomiques
brefs produits par le basson, ce qui lui donne un effet, selon les auteurs, ingénu, ou comique.
Le troisième mouvement utilise ces cors baroques qui ont des tuyaux circulaires de rechange,
puisque les pistons permettant de changer de tonalité ne se faisaient pas encore à l'époque.
Le troisième mouvement de la symphonie utilise les cors et les bois (ici flûtes en ébène, hautbois et
clarinettes en buis ou merisier, ou autre bois clair, avec peu ou pas de clés). Le quatrième mouvement
est tout en vigueur beethovenienne, avec un finale typique du compositeur, en coups d'archets
successifs, ponctués de silences. Très belle exécution, le chef est applaudi et rappelé.
Mais, si agréable et sympathique qu'ait été la 8è symphonie, celle que le public attendait, c'était la 9è.
C'est pour elle qu'il s'était déplacé en masse et avait rempli tout le Théâtre des Champs Elysées.
L'Orchestre refit son entrée sur scène sous les applaudissements, suivi du choeur, puisqu'il s'agit de
l'unique symphonie de Beethoven dont un mouvement est chanté, le 4è. Le choeur était ici le Collegium
Vocale Gent, ensemble vocal de Philippe Herreweghe.Le choeur fut présent pendant toute la symphonie,
les solistes entrèrent entre le 2è et le 3è mouvement. La 9è symphonie fut créée à Vienne en 1824.
Le premier mouvement s'ouvre sur un trémolo mystérieux, puis l'orchestre prend une dimension
musicale épique, par touches successives, on s'approche du quatrième mouvement, qui est
l'apothéose de la symphonie (et celle du compositeur).
Les clarinettistes étaient arrivés sur scène avec trois instruments chacun, dont ils firent
successivement usage, et les cors changèrent de raccord en cuivre au cours de la symphonie.
Les timbales, qui avaient été très applaudies dans la 8è symphonie, où elles ont un rôle prépondérant,
étaient aussi très présentes dans la 9è. La 9è symphonie dure environ une heure, dont le quatrième
mouvement occupe la moitié, autant que la huitième symphonie entière. Bâti à partir d'un poème de
Schiller, connu sous le titre français d'Ode à la Joie (An die Freude en allemand), le 4è mouvement
est lui même divisé en 4 parties, qui alternent les tonalités, et se termine en ré majeur.
Ci-dessus, l'introduction du 4è mouvement de la 9è symphonie, manuscrit autographe.
Ayant participé à une 9è symphonie de Beethoven avec les Choeurs de Paris 13 et l'Orchestre d'Espoir sans frontières,
donnée à l'UNESCO en 2012, j'attendais impatiemment la partie vocale de l'oeuvre... Le soliste basse donna le
départ alternant les "Freude!" avec le pupitre des basses, puis les trois voix graves entonnèrent le
"Freude schöner Götter Funken" à l'octave grave, repris par les sopranes à l'octave haute.
Les solistes forment ensuite un quatuor, et le choeur intervient à nouveau pour "Ja wer auch nur
eine Seele", toujours aussi haut pour les sopranes et les ténors, qui chantent un véritable morceau
de bravoure. Le Collegium Vocale Gent étant un choeur d'exception, en fait une interprétation parfaite.
Après une nouvelle alternance avec les solistes, le choeur revient sur les "Küsse gab sie uns und Reden",
qui oscillent très haut dans la tessiture aiguë, mais le compositeur a prévu encore plus fort: il y a deux
portées de la aigus tenus après les "Cherub steht for Gott", qui constituent une sorte de mise en bouche, avec
des si aigus. Là, le choriste ordinaire a décroché... il reste quelques téméraires qui se cramponnent collectivement,
on oublie le texte pour ne plus penser qu'aux notes qu'il faut tenir, tenir, tenir, tenir... Evidemment, le Collegium
Vocale Gent ne vit pas de tels affres, cependant, je constate que la facilité évidente du début du 4è
mouvement souffre un peu des aigus tenus fortissimo. Le compositeur a prévu de faire redescendre
ensuite les voix aiguës dans le grave, sans doute pour leur donner un peu de repos. Mais ce n'est que pour
les propulser à nouveau vers les sommets avec le mouvement endiablé de la fin du "Seid umschlungen
Millionnen". Beethoven avait une conception instrumentale de la voix humaine: le choriste est capable de monter
jusqu'au la, ou plus, poussons-le répétitivement à son maximum. Mais, contrairement au violon, le choriste se fatigue!
Les solistes et le choeur ont interprété brillamment ce quatrième mouvement. Je suis heureuse pour ma part,
de l'avoir entendu chanter par un choeur professionnel, et d'avoir pu voir simultanément le choeur chanter, car les
difficultés de la partition sont parfois plus visibles qu'audibles, on voit l'effort physique fourni par les choristes,
qu'ils s'arrangent, auditivement, pour ne pas laisser paraître, c'est la moindre des choses.Le public du Théâtre
des Champs Elysées, qui suspendait son souffle pendant le concert, était en liesse. Les solistes
revinrent plusieurs fois saluer, accompagnés de Philippe Herreweghe, qui circula ensuite parmi
les musiciens pour les faire lever par pupitres (photos précédentes). Les voici à l'avant de la scène:
Après de multiples rappels, les musiciens saluèrent définitivement, et le public ressortit de la salle.
J'entendis derrière moi un jeune homme qui disait que "ça donnait envie de faire du chant", je ne pus m'empêcher de me
retourner et de lui répondre "un conseil: ne commencez pas par cette oeuvre-là!" Il fut un peu surpris, mais la facilité
des interprètes de ce soir était trompeuse! Ce fut un très beau concert, l'apothéose de cette intégrale
Beethoven, mais la 9è symphonie est vraiment une oeuvre difficile à chanter pour des amateurs. Nous sommes
ressortis dans l'avenue Montaigne vers 21h45. Sur le Pont de l'Alma, je fredonnai l'air des Küsse gab sie
uns und Reden, qui est charmant dans sa forme, dansant. Le concert m'avait aussi donné envie de chanter!
Sylvie, blogmestre