Hier soir, j'ai entendu un concert russe sous la baguette d'un jeune chef polonais étonnant,
au grand auditorium de la Maison de la Radio. Tchaïkovski, Prokoviev, et Stravinsky, dirigés d'une main
ferme, mais avec des doigts de velours, par le très jeune Krzysztof Urbanski.
Comme on le voit sur le billet, j'avais changé de localisation, étant habituellement plutôt au second balcon, et
moins à l'arrière de l'orchestre. Ce qui me permit de voir le xylophone que d'habitude je devine seulement!
Le programme, en détail, comportait l'ouverture de Roméo et Juliette, de Piotr Ilitch Tchaïkovski,
le concerto pour piano et orchestre n°5 de Serge Prokoviev, et l'Oiseau de feu d'Igor Stravinsky.
Le concerto pour piano, interprété par Nicholas Angelich, m'était inconnu, et quoique son exécution
fut intéressante, et le pianiste certainement excellent, le caractère plutôt a-mélodique de l'oeuvre était
un peu déroutant. Je me suis concentrée sur l'ouverture de Roméo et Juliette, et sur le splendide
Oiseau de feu. A propos de Stravinski, je ne résiste pas au plaisir de citer Debussy, extrait du livret de la soirée: "c'est un
jeune sauvage,qui porte des cravates tumultueuses, baise la main des femmes en leur marchant sur les pieds. Vieux, il
sera insupportable,c'est-à-dire qu'il ne supportera aucune musique, mais pour l'instant il est inouï." Les cravates
du compositeur sont assorties à l'Oiseau de feu! Dans le tumulte des cuivres qui par passages marque ces
deux oeuvres, notre jeune chef polonais montre une remarquable économie de mouvements.
D'autres s'agiteraient, feraient de grands moulinets de bras. Lui pas du tout, il fait des mouvements de doigts
de la main gauche, une battue de faible amplitude de la main droite, se balance doucement, mais
tient parfaitement tout l'orchestre, par le regard, et . Une caractéristique impressionnante:
il a dirigé tout le concert sans partitions. L'orchestre philharmonique de Radio France est remarquable,
c'est un véritable bonheur de l'entendre jouer. Dans le livret, il est précisé que la version de l'Oiseau
de feu jouée est la suite orchestrale de 1945, destinée à un orchestre réduit. Le final est néanmoins
furieusement rimsky-korsakovien, si je puis me permettre... J'ai une pensée pour mon père, mélomane averti, à qui
je dois la connaissance de toutes ces belles oeuvres, et ma sensibilité à la musique classique.