Je suis allée ce soir voir Don Giovanni (de Mozart!) à l'Opéra Bastille. Un gros trou dans mon budget, puisque,
n'étant pas habituée à me ruer sur les places de 7è catégorie dès leur disponibilité, d'où l'on voit remarquablement
bien le pourtour de la scène en plongée, comme me l'avait conseillé une ex-choriste CP13, j'ai dû me contenter d'une
place de 4è catégorie au premier balcon (je me suis souvenue du vertige au 2è balcon dans la même salle,
et j'ai soigneusement évité le-dit balcon). Je n'ai pas perdu au change, bien au contraire!
C'est un de ces jours mi-figue mi-raisin où le ciel menace continuellement de nous tomber sur la tête.
J'ai retrouvé une paire d'escarpins très classe pour aller à l'opéra, mais s'il pleut des trombes en route...
mieux vaut y aller en baskets et se changer au dernier moment. Ah, Paris ! Où est l'époque où nous allions
à l'opéra en jupe longue et bibi à voilette ? Et puis 19h30, qu'est-ce que c'est que cet horaire ?
Puis je me souviens que l'opéra dure plus de trois heures et comprends l'horaire précoce pour une soirée. Je déchausse
mes baskets pour enfiler les escarpins aussi dicrètement que possible et laisse sac à dos et blouson au
vestiaire, qui se voit confier en même temps... une paire de trottinettes d'adultes, et moult autres sacs à dos.
Le jeune homme qui reçoit tous ces trésors à garder, en tenue de soirée, est d'un sérieux imperturbable.
Munie d'une eau minérale, je trouve ma place au premier balcon, septième rang. Devant nous, il y a
plusieurs rangs vides, finalement, je gagnerai quatre rangs après la sonnerie.
L'opéra en lui-même est en costumes de ville contemporains. Quand je vois le nombre de chanteurs en baskets
qu'il recèle, je ris intérieurement, quoique je sois satisfaite d'avoir mis mes escarpins. Le décor est à la fois banal
et remarquable. Banal parce que c'est un décor que nous connaissons tous, dans une tour, un de
ces paliers à tout-faire avec portes d'ascenseurs, équipé de quelques chaises et tables, d'un
réfrigérateur dans un coin, et de baies vitrées donnant sur d'autres tours, aux fenêtres allumées.
Remarquable parce qu'il abuse la vision, et reprend la forme ronde de l'opéra Bastille au point que
l'on se demande si l'on n'en voit pas l'arrière qui arriverait jusqu'à la scène... Ce n'est que dans le dernier
tableau que l'on voit qu'il s'agit bien d'un décor. Certains accessoires contemporains sont utilisés comme
éléments comiques, comme l'inévitable ascenseur qui se referme avant que vous soyez monté
dedans, ou le téléphone mobile sur lequel Leporello tient la comptabilité des
conquêtes féminines de Don Giovanni...
Je trouve que la mise en scène contemporaine va bien à cet opéra. C'est la deuxième que je vois, et
j'avais déjà beaucoup aimé la première. L'adaptation contemporaine ajoute du vivant à une oeuvre qui
est très longue, et dont le thème est de toutes les époques. Elle permet aussi de mieux distinguer les caractères,
en utilisant des codes vestimentaires que nous connaissons mieux et que nous identifions rapidement. Dans le
Don Giovanni de Joseph Losey (opéra filmé) par exemple, on se perd dans les personnages, qui sont tous en perruques
poudrées, et dans des costumes qui ne nous sont pas assez familiers pour que nous distinguions clairement
qui est qui, ou fait quoi. Ici, Donna Anna est en tailleur-escarpins, Donna Elvira en jupe-escarpins, Don Giovanni
en costume, Leporello aussi, Zelina et Massetto appartiennent à une équipe de techniciens de surface, dont ils portent
l'uniforme. Tout cela est excellent pour la compréhension de l'intrigue, ce sont des codes que nous comprenons
immédiatement. L'italien originel est sur-titré en anglais et en français, au-dessus de la scène.
Le public se prend au jeu du spectacle de plus en plus. A l'entr'acte, je regrette la coupure, j'étais bien
entrée dans l'intrigue. Dans la deuxième partie, je guette l'apparition de la statue du Commandeur...
un peu décevante, car la voix de l'artiste est étouffée par le dispositif choisi et ne fait pas peur du tout!
Disons que c'est une "voix de la conscience", plutôt qu'une voix tonitruante. L'opéra se termine à 23h15, très applaudi
avec de nombreux rappels. Les trois heures et demie de spectacle ont passé sans s'en rendre compte!
On nous a demandé de ne pas filmer ni photographier, mais au moment des rappels tout le monde immortalise les acteurs.
Je l'ai donc fait aussi, encore en plan large, en coupant le décor pour laisser la surprise à ceux qui iront le voir.